Aucun d'eux n'avait prononcé le moindre mot durant le voyage retour, enfin entre eux, ils eurent à demander leur localisation précise, et un chemin pour rentrer au plus vite. Il s'était avéré qu'ils se trouvaient en plein Nord de Fiore, dans un château situé en bordure des chaînes de montagnes relié au mont Hakobe. Mais là n'était plus la question, ils ne voulaient plus entendre parler de ce sinistre endroit, malgré le fait qu'ils allaient devoir tout expliquer à un supérieur... un supérieur... Ude méditait là-dessus, mais que l'on lui ait révélé qu'un membre des hautes sphères du Conseil Magique magouillait avec la pègre du pays, une pègre qui pouvait être un poison aussi toxique que le problème Ultima Nova puisque Ultima Nova avait l'emprise d'Era, tandis que la pègre pouvait asseoir son pouvoir dans n'importe quels recoins du pays.

Aux yeux de Sei et d'Ude, Crocus semblait bien plus lugubre qu'avant leur "départ". On peut dire aussi que le regard des gens étaient plus horrifiés par le fait que le Grim Reaper porte une jeune fille portant une cape qui laissait transparaître les signes de la maltraitance qu'elle avait subie, le "cadavre" que portait comme sac à dos Ude n'arrangeait pas les choses... Tous les trois ne supportaient pas ces œillades accusatrices. Le chemin paraissait plus long au fur et à mesure où ils avançaient, toujours plus de gens s'amassaient dans la rue pour juger le tandem du Conseil. Ils ne s'étaient pas encore fait connaître par la populace à travers d'héroïques missions, même s'ils avaient déjà résolu bien des problèmes.

Ils eurent à déposer la jeune fille à l'hôpital avant de rendre compte au Conseil, endroit où elle recevrait enfin des soins adéquats. Les deux tourtereaux précisèrent aux infirmières que des enquêteurs viendraient lui poser des questions d'ici peu. Ils savaient que ça allait être de nouveau une rude épreuve pour cette petite, mais il fallait bien ressasser quelques souvenirs douloureux pour construire un lendemain meilleur. Ils gardèrent le célèbre Undead avec eux, malgré son piteux état, bien qu'ils ne s'en souciassent guère. Ils allaient le livrer aux chevaliers runiques qui le placeraient sous bonne garde.

Ils arrivèrent finalement devant les portes du bâtiment destiné aux Grim Reapers. Ils pensaient rendre compte à leur chef de brigade, Raziel, mais il semblait absent, de plus, un homme les attendait déjà. Il avait un look extravagant comparé à la plupart des membres du Conseil, sa chevelure dégarnie sur le devant lui faisait un long front majestueux tandis que les pointes relevées de ses cheveux lui donnaient un air plus rebelle, qui collait bien plus avec son regard nonchalant et orgueilleux. Ses joues creusées et les quelques cicatrices ornant son visage lui conféraient un aspect maladif, même si son attitude indiquait le contraire. Sa tenue restait dans les habitudes, les couleurs claires de l'uniforme se fondaient à son teint pâle. Il s'était installé dans un des sièges habituellement vide, le manque de personnel frappant toujours, sa posture plus affalée que tenue laissait transparaître son impatience et son ennui. À la vue des deux amants, il se releva d'un coup sec et retrouva le sourire. Il s'approcha d'eux, une liasse de documents en main.

« Je vous attendais vous deux, vous avez disparu depuis plus de deux semaines. On nous disait que vous étiez en mission, mais vous avez été long... trop long. » commença-t'il.

« Euh... ouai, certaines choses ne se sont pas passées comme prévu...» répondit Ude d'un air grave.

« C'est pour cela que je suis ici pour obtenir de vous un procès-verbal pour tout nous expliquer comme il le faut. » rétorqua-t'il avec une expression s'accordant à l'ambiance.

« J'aimerais déposer ce cadavre avant ... il risque de me gêner...» enchaîna Ude

« Ce cadavre ? ... Qui est ? » questionna le fonctionnaire.

« Le célèbre assassin Undead, vous connaîtrez les détails dans notre compte-rendu de mission. » reprit Sei en repartant vers le QG du Conseil.

« UNDEAD ? Vous l'avez capturé ?! On m'a dit qu'il ne fallait pas vous sous-estimer, mais à ce point...» s'étonna l'envoyé du Conseil, bien que plus personne ne l'écoutait.

Ils laissèrent finalement le criminel aux bons soins des chevaliers runiques et repartirent vers une pièce isolée pour débuter le récit de leur mésaventure. Ude était réticent à tout lui raconter, lui qui savait qu'un haut membre du Conseil les avait vendus, il était peut-être aussi impliqué dans l'histoire. L'esprit du jeune homme lui indiquait de se méfier de cet homme, son sourire satisfait et son regard défiant leur droiture n'inspiraient pas non plus. Sei se lança, voyant l'hésitation de son compagnon, due aux dures réalités qu'ils avaient à raconter pensa-t'elle. Ude tenta de l'avertir du regard, puis en lui saisissant la main, mais rien n'y fit, elle continuait son récit et jetait même des regards noirs à Ude signifiant qu'il la dérangeait. On pouvait dire qu'il l'avait cherché, s'il avait raconté tout ce qui s'était passé pendant qu'elle avait été enfermée, ils n'en seraient pas là.

« Je n'ai pas souvenir que vous vous soyez présenté à nous, donnez-nous votre nom et votre grade. » interrompit Ude, d'une voix autoritaire.

Le questionné soupira.

« Je suis John Predatel, on peut dire que je suis un bureaucrate, je suis une sorte d'intermédiaire entre vous et le Conseil. » répondit l'intéressé.

Sa réponse ne satisfit pas notre homme, sa position lui permettait d'être en contact direct avec la personne qui magouillait dans le dos du Président du Conseil. Malgré cela, Ude laissa parler Sei, il ne pouvait plus rien empêcher pour l'instant, mais il se devait d'expliquer la situation à sa bien-aimée. John buvait les paroles de Sei et prenait des notes, qu'il ne laissait pas transparaître aux yeux d'Ude qui se méfiait d'avantage à chaque seconde qui passait. Son récit était fluide, mais elle se mit à bégayer et à rougir...

« Et... euh... I-i-i-ils ont commencé à ... vouloir ... abuser de ma personne... »

Ude bondit de sa chaise en poussant un cri de surprise, il n'avait pas été mis au courant, était-ce pour cela qu'elle évitait le regard de son compagnon durant le voyage ? Il s'en voulait de ne rien avoir remarqué, la fatigue lui brouillait autant l'esprit que le corps. Sa colère était si grande qu'une sensation semblable à des pas de fourmis parcourait sa boîte crânienne, sa vision se troublait et sa gorge le serrait. Son poing qui avait frappé la table allait laisser une marque. John le pria de reprendre son calme pour connaître la suite de l'histoire, il précisa qu'elle n'avait pas dit que ça s'était passé et donc que s'énerver n'était pas nécessaire. Sei le remercia et reprit avec hésitation son compte-rendu. La suite n'était pas moins monstrueuse, mais plus rassurante, en effet, il n'était pas parvenu à leur fin et s'était vite lassé de la résistance dont faisait preuve la jeune femme aux cheveux roses. Elle passa les autres détails, jugés inutiles pour l'avancement de l'enquête.

« Et donc, au vu de votre surprise, je présume que vous avez été séparés. Que vous ai-t'il arrivé entre la partie d'échec humain ? Je suis bien curieux... Même avant cette partie. » questionna soudainement le "bureaucrate".

« ... J'étais enfermé dans une cellule, un homme est venu et m'a posé des questions, il m'a frappé, je ne comprenais rien à ce qu'il se passait... » commença Ude à contre-cœur.

« Vous a-t'il dit son nom ? Vous en souvenez-vous ? » interrompit John.

« Comme je l'ai dit, je ne comprenais rien à ce qu'il m'arrivait, même sa silhouette me paraissait trop floue pour la distinguer. » répondit Ude, convaincu que s'il révélait un nom, il se ferait éliminé, hors il voulait plus que tout leur tirer les vers du nez. « Ils m'ont ensuite mené à la fameuse salle avec le plateau d'échec et vous connaissez la suite. »

« Et après la partie ? » continuait John, comme s'il s'agissait d'un interrogatoire.

« Nous avons été traînés dans une salle de torture, avec des outils très archaïques, mais que je n'aurais voulu en aucun cas tester. L'homme qui se considérait comme le maître des lieux se présentait face à moi, toujours masqué, il fanfaronnait que ce monde est pourri et que personne n'est épargné, le topo des ringards se prenant pour le roi. Puis vient l'affrontement avec Undead, qui était vraiment coriace, si Sei n'avait pas été là, nous ne serions pas en mesure de vous faire ce compte-rendu.»

Predatel termina de prendre ses notes dans le silence le plus total, puis il se releva, Ude et Sei firent de même, mais le fonctionnaire leur indiqua de rester assis d'un signe de la main. Il ouvrit la porte et donna ses notes à un garde qui s'était posté devant la pièce, il lui glissa quelques mots supplémentaires dans le creux de l'oreille puis revint vers les deux tourtereaux. Leur annonçant qu'il serait mis sur le côté pendant une durée indéterminée, selon l'avancement de l'enquête. Cette nouvelle choqua les deux Grim Reapers qui ne s'attendaient pas à une suspension... Leur chef de brigade en avait-il donné son accord ? Ils n'en savaient rien, mais cela n'avantageait pas l'homme au front dégarni puisque les suspicions d'Ude grandissaient encore envers lui.

Ils sortirent enfin de cette minuscule pièce et saluèrent John qui s'en allait vers l'aile administrative. Ude attrapa la main de Sei, qui se dirigeait vers la sortie, il se rapprocha d'elle pour la mettre en garde sur ce qu'il pouvait se passer autour d'eux, que la confiance n'est pas quelque chose de mise dans ces moments-là. Elle comprit pourquoi donc il n'avait pas mentionné cette petite fille qu'ils avaient déposée à l'hôpital avant de venir faire leur dépôt. Ils étaient sur le carreau, mais ce n'est pas ce qui les empêcherait de prendre soin d'une personne qu'ils avaient vu dans le pire état. Ils connaissaient ainsi leur prochaine destination : l'hôpital. Protéger cette jeune fille qui pourrait être mise de nouveau en danger inutilement.

Sur le chemin, le regard d'Ude se baladait sur n'importe laquelle des personnes qu'ils croisaient, laissant ce doute, cette suspicion, le ronger. Sei, le prit par le bras souhaitant le rassurer. Mais la tension qui l'avait pris ne cessait pas, les avait-on fait suivre ? Cette question trottait dans la tête du jeune homme qui restait à la recherche de personnes suspectes. Il ne voulait que l'on fasse un lien entre leurs visites à l'hôpital et cette triste mésaventure.

L'accueil qu'on leur fit au centre hospitalier n'était pas des plus chaleureux, après avoir déposé une jeune fille dans un triste état et porté un homme dans le plus mauvais état, sans qu'il ne soit réellement en forme eux même, c'était compréhensible.  Ude demanda la chambre de la jeune fille qu'ils avaient justement laissée ici, ils précisèrent qu'ils avaient prévenu qu'ils reviendraient pour un interrogatoire, le temps qu'elle se remette un peu. Le médecin qui s'était occupé d'elle les conduisit à sa chambre, il précisa qu'elle était en meilleure forme, mais qu'elle avait du mal à communiquer. Sei et Ude acquiescèrent à la demande du docteur de ne pas trop la brusquer. Sei toqua puis entra dans la chambre, il s'agissait d'une chambre individuelle puisque seule la jeune fille était présente.

« Coucou ! On ne te dérange pas ? On doit te poser quelques questions, mais ne t'inquiète pas, c'est juste pour te connaître un peu mieux hein ? » engagea Sei, alors qu'elle s'était mise accroupie face à cette petite fille.

Elle acquiesça d'un geste de la tête.

« ... Mi... Mi... Mizu... Mizuri » bégaya-t'elle.

« Bien Mizuri, as-tu des parents que nous pourrions contacter pour venir te chercher ? » demanda Sei

Elle répondit négativement de la tête.

« Nous avons déjà prévu une place en orphelinat pour elle, nous lui avions déjà posé cette question » se rappela le docteur.

« Je vois ... Ne t'inquiète pas, nous te protégerons à présent, n'est-ce pas, Ude ? » continua Sei

Ude était resté silencieux jusque-là, mais il était persuadé qu'ils tenteraient quelque chose contre Mizuri. Sei insista sur sa question ce qui le sortis de sa réflexion, il acquiesça, le sourire aux lèvres. Mizuri semblait ravie de cette nouvelle, elle était beaucoup plus radieuse, ce qui conforta Ude dans son effort de protection.

Sei et Ude sortirent de la pièce, Ude gardait son air déterminé.

« Nous irons tout les jours lui rendre visite, mais nous devrons le faire sans trop nous faire remarquer. » déclara Ude...