Suite à la dernière mission qu'Oz avait accomplie pour le bien des caisses de la guilde qui souffraient récemment, le blondinet avait vu sa popularité croître, tant que l'on mettait son portrait-robot sur des affiches un peu partout. Et, paradoxalement à ce que l'on pourrait penser, il se trouvait en ce moment en plein centre ville, tentant de se dissimuler dans la foule. Ce qui l'amenait dans une zone ennemie était la soif de vengeance, une femme à la chevelure d'argent l'avait approché alors qu'il terminait à peine sa cavale. Cette personne lui avait laissé une missive lui donnant rendez-vous sur la grand-place de Crocus pour une raison plus qu'intéressante puisqu'elle semblait posséder des informations sur les circonstances de la mort d'Ada.

Oz patientait au coin d'une ruelle, restant à l'affût, il balayait la zone du regard. La ville n'était pas très peuplée à ce moment de la journée, nous étions tôt le matin et la pluie ne donnait pas envie de se promener dans les rues pavées de Crocus. Notre blondinet s'était vêtu d'un manteau à capuche discret, pour éviter d'attirer l'attention sur lui. Mais en fait, ceci avait attiré l'attention de cette jeune femme qui s'approcha par l'arrière.

« Tu as donc réellement décidé de venir malgré le danger, petit lapin.  » chuchota-t-elle dans le creux de l'oreille d'Oz.

Le membre d'Oracion Seis eut un léger sursaut puis se retourna pour voir le visage de son interlocutrice, la fatigue lors de leur première rencontre lui avait empêché de voir correctement son visage. Et cette femme, il l'avait déjà vue...

« Toi ? Que fais-tu ici ?  » questionna Oz, visiblement surpris.

La jeune femme lui fit signe de rester silencieux.

« Ce n'est pas le bon lieu pour discuter, suis-moi, je vais te présenter à mon maître. » enchaîna-t-elle.

Et elle l'emmena jusqu'à une petite maison qui n'avait rien d'extravagant, Oz était étonné, elle avait pourtant précisé qu'elle l'emmenait chez son "maître". La jeune femme lui jeta un regard puis lui fit signe de la main d'entrer. Le jeune homme pénétra dans la ridicule maison puis ne vit qu'une chose, le délabrement... Le papier peint était usé, seule une table et deux chaises d'un vieux bois tenaient encore debout alors que la charpente elle-même menaçait de s'effondrer sous l'appétit des termites.

« Ne m'avais-tu pas dit que nous irions à la demeure de ton "maître" ? Réponds-moi Hanna. » demanda Oz, d'un ton insistant.

« Mon maître m'a demandé de vous amener ici, jeune maître Oz. Et je n'ai jamais précisé où la rencontre allait se faire. » répondit-elle.

La curiosité grandissante d'Oz, il hésitait à lui forcer à dévoiler les intentions de cet homme qui la commanderait. Mais à cet instant, les grincements de la porte se firent entendre. Un homme bien habillé et portant la moustache avait fait son apparition, il s'appuyait sur une canne blanche qui semblait symboliser sa richesse, ça devait être lui la fameuse tête de cette opération. Il était accompagné de deux spécimens étranges, ils ressemblaient à deux hommes-chats, l'un avait deux katanas rangés dans son dos et paraissait assez fin, alors que l'autre était de meilleure constitution et s'était muni de morceaux de ferraille aux poings.

« Alors mon petit Oz, qu'est-ce que ça t'a fait de revoir ton ancienne gouvernante ? Des souvenirs mélancoliques t'ont-ils transpercé le cœur ? Ne t'a-t-elle pas rappelé ta défunte petite sœur ? ... Trêves de bavardages inutiles, tu sais pourquoi je t'ai fait quérir ici, j'ai des informations sur la tragique mort d'Ada.  » expliqua l'homme à la canne.

Le regard d'Oz changea, il devint plus sérieux, au vu de la situation.

« Eh bien ? Que voulez-vous ?» rétorqua Oz.

Un rictus apparut immédiatement sur le visage du "maître".

« Je vois que vous ne maniez pas la langue de bois. Notre chère Hanna m'a conté que vous aimiez autrefois vous exposer au danger et que vous appréciez les courses-poursuites. Nous allons jouer à un jeu, tu vois. Cette maison renferme un étonnant sous-sol... Enfin, tu le découvriras par toi même puisque notre partie se déroulera dans celui-ci. Je vais t'exposer les règles : Hanna sera ton but, elle détient ces informations que tu souhaites. Elle sera placée dans le sous-sol, tu devras la retrouver avant qu'une bombe fixée à l'arrière de son crâne n'explose ! » dit l'homme à la canne « Oh, et ces deux hommes que tu vois là sont deux mercenaires de classe S, je les paye une fortune pour qu'aucun incident n'arrive lors de mes négociations. Tu ne peux plus refuser.»

Oz acquiesça d'un mouvement de la tête, il savait déjà qu'il lui serait compliqué d'abattre les deux mercenaires et de soutirer par la force des informations à ce vieillard sénile.

Après qu'Oz ait accepté les règles du jeu, la servante se volatilisa en un courant d'air. Avec un sourire narquois, le noble indiqua l'entrée du sous-sol du doigt qui se trouvait à sa gauche. Le défié se précipita vers cette porte puis descendit avec hâte les escaliers qui menaient au lieu du jeu. Mais que ne fût pas sa stupéfaction lorsqu'il vit ce qu'étaient en réalité ces fameux sous-sols. À droite et à gauche se trouvaient des prisons, il s'agissait d'antiques cachots cachés par le temps et les "nouvelles" constructions. La poussière, les rats et de vieux ossements étaient à présent les habitants des lieux. Il s'enfonça dans la saleté et les toiles d'araignée pour découvrir une nouvelle chose : de multiples voies s'offraient à lui, ce n'était donc pas seulement une prison souterraine, mais également un dédale. Quelle taille ce labyrinthe pouvait-il atteindre ? Oz continua donc son enfoncée d'un pas pressé mais alarmé, il regardait les parois suintants et le sol poussiéreux, guettant la moindre anomalie. Et la première se présenta sous la forme de voix criardes et aiguës. Des créatures ? Ce vieux fou se croyait où ? Dans un donjon d'histoire pour enfant ? Oz se préparait déjà à invoquer Shaco pour s'occuper de ces misérables qui oseraient se mettre en travers de sa route. Le mage noir eut presque une crise de rire lorsqu'il aperçut ses ennemis : des gobelins ! Même un clown ne faisait pas autant rire qu'un combattant face à des gobelins ! Dans une langue aux sonorités inaudibles, les créatures vertes insultaient le jeune homme. Celui-ci leur répondit en tendant la main ouverte et en prononçant ces quelques paroles :

« Ô, toi, assassin des limbes,
Bouffon ténébreux de la volonté
Contre mon ennemi, je requiers ton épée
Je libère ta puissance pour que ce dernier tombe !  »

De ces mots, un cercle lumineux apparut devant lui, d'où jaillit un démon déguisé parodiquement en bouffon du roi, le rictus sur son visage engageait plus la sueur froide que le rire. Mais les petites créatures vertes n'en départirent pas, et fonçaient de plus belle face à l'ennemi. Ils n'étaient guère plus de cinq et étaient armés de vieilles épées rouillées à la portée réduite, en somme, de faibles adversaires. Shaco s'empressa, avec de ridicules mouvements, de rentrer au contact avec les gobelins. Il planta son arme dans le crâne du premier venu puis esquiva avec souplesse la lame des deux peau-vertes suivants en se penchant en arrière, formant une équerre avec ses genoux, pour les éventrer avec deux nouvelles dagues. Cette scène était accompagnée de cris farfelus provenant du démon. Suite à cela, les deux derniers gobelins prirent peur et commencèrent à fuir, mais Shaco disparu et réapparut devant eux, ses armes plantées dans leur gorge.

Le premier affrontement terminé, Oz poursuivit sa route, allant parfois à droite, d'autres fois à gauche. Mais il commençait à douter, il semblait qu'il tournait en rond et le compte à rebours continuait de tourner. Il ne pouvait pas se permettre de perdre du temps, ses informations en dépendaient. Il poursuivit sa route en accélérant le pas jusqu'à ce qui entendit un petit " clic". Par réflexe, le jeune mage bondit en avant à l'entente de ce bruit. Suite à cela, deux lames surgirent des deux coins et tranchèrent en diagonale le couloir verticalement. Il avait même installé des pièges ?! Ce vieux cinglé ne plaisantait pas lorsqu'il parlait de danger. Mais au fond de lui, ça excitait le blondinet, il en tremblait même. Il poursuivit son chemin, avec plus de vitesses sûrement à cause de l'adrénaline, qui recouvrait la peur de la mort dont souffrait tout de mêmes Oz.

Alors qu'il parvint à une salle rectangulaire, une voix usée tonna :

« Te voilà enfin dans la première salle de test. Il y a trois pièces de test dans le dédale, la seconde se trouvant derrière la porte du fond et la dernière après une seconde porte. La dernière porte est comme... la salle du trésor, là où ton but est. Dans chacune des pièces se trouvera un nouvel ennemi de plus en plus fort. Bonne chance. »

Le vieillard termina sa phrase d'un rire gras et malsain, ça donnait des sueurs froides et pourtant n'avait pas atteint la ferveur d'Oz. Il avança encore de quelques pas, mais s'arrêta au fracas de lourds pas. Le jeune mage ne pouvait encore distinguer que la silhouette massive de son opposant, mais déjà, il savait que ce ne serait pas aussi facile à le battre qu'un gobelin de base. En effet, ce n'était pas un gobelin ... il ressemblait plus à un gobelours... juste un énorme gobelin velu qui porte une mortensen et un bouclier de bois. La férocité de ces individus de leur espèce était contée dans les livres d'aventure qu'aimait lire Oz quand il était plus jeune, on raconte que leur force égale celle de dix hommes.

L'énorme masse balayait d'un mouvement frénétique avec sa masse le mobilier de bois qui le gênait. Son énorme ventre, son immense taille, son pelage jaunâtre, sa langue rosâtre pendante, ses deux dents restantes, son filet de bave coulant lentement et se déposant avec viscosité sur la pliure entre sa poitrine et son abdomen... tout en cette créature répugnait le mage noir, habitué à de plus douces visions. Mais il fallait faire le travail vite, Oz ne perdait pas en tête que ce jeu avait un temps impartie et qu'il ne devait plus en rester beaucoup. Il se décida donc d'employer les grands moyens et, d'un geste solennel du bras, appela une nouvelle créature.

« Animal de la malice
J'appelle ton nom, Cheschire
Pour que tu sortes d'Abyss
Et lacères mes ennemis de tes griffes.»

Le sol s'illumina d'une lueur améthyste, dessinant un cercle contenant d'étranges symboles antiques. Du centre de ce cercle, en sortit une silhouette rendue indistincte par la forte lumière jaillissant du sol. Le gobelours n'hésita pas une seconde et bondit sur cette forme sombre, chargeant l'épaule gauche mise en avant. Mais aucun choc n'eut lieu, il le traversa comme s'il s'agissait d'une ombre. L'image de son ennemi était encore là, mais le monstre avait l'impression d'être face à un mirage. Oz avait d'ailleurs dû faire un bond latéral pour éviter la charge du lourdeau. Lorsque la lumière se dissipa, les détails de la silhouette se dessinaient et on pouvait alors apercevoir une créature hybride homme-chat, mais ayant plus les traits physiques humanoïdes. Il se léchait avec cadence le poignet gauche et regardait d'un air désintéressé la scène.

« Pourquoi m'appelles-tu face à une créature si faible ? Il est lent de mouvement et d'esprit, tu me fais vraiment perdre mon temps. » dit le Chat de Cheschire.

« Je dois faire vite et ce n'est pas le dernier obstacle avant la fin. J'ai déjà invoqué Shaco il y a peu de temps et tu sais très bien que je ne pourrais pas appeler un autre Chain après. De plus, il paraîtrait que de plus puissants ennemis t'attendent derrière.» lui répondit Oz.

À cette réponse, Cheschire sourit et se mouva avec une telle vélocité que ses mouvements n'étaient pas visibles à l'œil nu. Il se trouva dans le dos du monstre et lui donna deux coups, des griffures assez profondes, dans le dos. La cible tenta de riposter en frappant circulairement de sa lourde trique, mais le coup était trop lent face au Chain le plus rapide d'Abyss. Le spectacle était assez impressionnant, Cheschire ne laissait pas de répit à son adversaire et le tailladait de part en part, bondissant d'une paroi de la salle à l'autre. En une poignée de secondes, le gobelours s'effondra.

Oz se releva et dépoussiéra ses vêtements. Il indiqua silencieusement son invocation de continuer vers la prochaine porte. L'homme-chat traînait sans élégance ses deux énormes bras qui frottaient au sol, il n'affichait toujours pas un semblant d'intérêt pour la situation. La porte en vieux bois s'ouvrit en une légère poussée et laissa découvrir une nouvelle salle, plus étrange, il semblait être la salle de torture, différents outils étaient disposés aux quatre coins de la pièce. La salle qu'ils venaient donc de quitter était donc l'antichambre de celle-ci. Mais un détail gênait le mage d'Oracion Seis : les murs étaient tous ornés de macabres portraits de personnages ressemblants au croque-mitaine. Et il avait raison de s'en inquiéter, puisqu'en émergea plusieurs fantômes flottant à la bure violette. De sinistres lueurs rouges flamboyaient dans leurs orbites, leur visage, seule partie découverte de leur corps, n'était qu'un crâne sans peau ni chair. Ils riaient et tournoyaient dans les airs comme pour ensorceler les intrus. Au bout d'une dizaine de secondes, ils accélèrent fortement puis les ténèbres surgirent, ils avaient soufflé les bougies de la salle et Oz n'y voyait plus rien. Il n'y voyait plus, mais n'a jamais pris une aussi bonne décision que de préféré Cheschire à B-Rabbit cette fois-ci puisque son côté chat le rendait nyctalope. Se fiant à ses oreilles, il savait que le Chain attaquait, mais il grommelait quelque chose alors que les fantômes ricanaient encore.

En effet, du point de vue de Cheschire, c'était plutôt l'énervement qui occupait son esprit. Il avait beau les attaquer, ils ne semblaient pas être matériels. Leur bure ne cachait rien d'autre que de l'air. Mais le Chat poursuivait inlassablement ses assauts, de plus en plus rapides à chaque attaque. Les vêtements se déchiraient en lambeaux, mais toujours ses rires insupportables qui créaient un écho. Puis au bout d'une énième taillade, il remarqua que les ectoplasmes bondissaient légèrement pour éviter que leur crâne ne soit touché. Cette simple astuce n'avait pas effleuré l'esprit énervé de l'assaillant. Il détruisit donc immédiatement le crâne découvert de l'un des revenants. Une lumière rouge-orangé jaillit de l'ossement fendu puis une explosion éclata, frappant de plein fouet le Chain qui se retrouva au sol. Le bilan d'une simple attaque : l'épaule droite déboîtée et quelques contusions. Mais de si banales blessures n'allaient pas stopper l'hardeur du Chat de Cheschire et il rebondit sauvagement sur sa prochaine cible, qui se solda de nouveau par une explosion, mais on n'attrape pas le vieux renard avec le même piège : d'un agile mouvement, il s'était immédiatement écarté de la bombe à retardement. Et il réitéra cette manœuvre jusqu'à ce qu'il n'en reste plus qu'un.

À cet instant, le dernier crâne disparu dans la pénombre, les bougies éclairèrent de nouveau la salle de torture, laissant apparaître face à Oz un grand homme âgé habillé d'un long drapé couleur sang orné de dessins réguliers en or. Il devait être le mage qui avait créé les illusions précédentes. Il tendit le bras et prononça quelques mots incompréhensibles dans sa barbe. Un cercle pourpre apparu devant lui puis deux autres sur chaque flanc d'Oz. Alors que rien n'était sortie de ces cercles, Cheschire bondit sur lui et trancha son bras tendu. Un cri d'agonie et le claquement d'une giclée de sang sur le sol résonnèrent. Les cercles disparurent. Et à peine le sorcier eut-il posé genoux au sol que sa tête vola et roula sur le parterre de la salle. Le mage d'Oracion Seis s'avança pour contempler le cadavre et n'eut pour seule remarque qu'il s'agissait surement du tortionnaire des lieux puis continua son chemin vers la prochaine porte alors que Cheschire le suivait toujours.

Oz jeta un coup d'œil sur son invocation pour voir si elle était encore en état de combattre, Cheschire semblait blessé, mais il pouvait encore écraser n'importe quel ennemi. Le jeune homme poussa donc la lourde porte, son grincement était insupportable. La dernière salle de test sentait le moisi, ne contenait pas un seul mobilier ni de décoration. Seul un monstre enchaîné siégeait ici, une créature à la peau argile et craquelée, aux crocs malveillants et au regard affamé. Cette chimère humanoïde semblait être une sculpture mouvante, sa chair devait être plus résistante que l'acier et sa mâchoire plus puissante qu'un étau. Il n'était pas velu, mais une crête blonde terreuse se dressait sur sa tête.

Le monstre semblait anesthésié, il se laissait juste pendre aux chaînes. Il leva lentement les yeux vers Oz et Cheschire et renifla quelques coups d'inspirations grasses du nez. Puis il bondit sur ses jambes comme si un coup de fouet l'avait réveillé, mais ce n'était pas une flagellation qui l'avait sortie de sa torpeur, il avait senti l'odeur du sang, ce qui attisa son appétit. Le monstre tirait de toute ses forces pour pouvoir atteindre l'origine de ce doux parfum. On sentait que les prises des chaînes ne tiendraient pas encore longtemps, de petits gravats commençaient s'effritaient des parois. Mais les chaînes brisèrent avant, il s'était libéré par la force. Il débuta une course en direction de la porte à présent ouverte, et disparu soudainement. Oz se fit projeter contre une paroi. Alors qu'il se trouvait la tête au sol, il apercevait un petit cratère dans la pierre du sol, de là où était parti le colosse, en un bond, il avait parcouru près de cinq mètres et détruit cette partie de la pièce. Il était sûr que les capacités physiques de cette créature étaient bien au-delà de ce que pouvait faire Oz. Mais Cheschire pouvait lire dans ses mouvements, beaucoup trop droits, trop prévisibles, sa vélocité l'aidait à esquiver ses assauts et à pouvoir ainsi contre-attaquer. La rage du monstre était presque berserk tant ses attaques manquaient de stratégie et de réflexion, sa soif de sang l'aveuglait. Mais le colosse ne laissait pas le temps au Chat de répliquer, ses assauts étaient enchaînés et ne permettaient donc pas d'ouvrir la moindre faille au vu de la puissance de ses coups. Oz observait cette scène depuis le même point, ne sentant plus son bras gauche et voyant son sang couler le long de son visage, tachant d'un rouge pourpre sa chevelure d'or. Il s'était fait terrasser si facilement, surpris par l'étonnante vivacité de la créature, il maudissait sa faiblesse. Le jeune homme se décida à se relever. Une douleur intense se faisait ressentir à sa jambe gauche. Il traînassait la moitié blessée de son corps, avançant lentement vers la dernière porte de ce fichu sous-sol tandis que Cheschire occupait le colosse. Arrivé en face de celle-ci, il tourna la poignée et poussa ... Mais rien ne se passa, la porte ne s'ouvrit pas. Oz insista tant qu'il le pouvait, mais elle resta bloquée... Il prit appui sur la porte pour amoindrir la douleur qui devenait insupportable. Il savait pourquoi elle ne s'ouvrait pas, mais n'avait pas la force d'ordonner à Cheschire de hâter l'exécution du monstre.

De son côté, le Chat s'amusait à esquiver les assauts du colosse. Il aimait user de sa grande vitesse dans Abyss, mais ça semblait encore plus amusant pour lui face à un adversaire qui ne réfléchit pas, continuant inlassablement d'attaquer. La scène ressemblait à une course-poursuite en accéléré additionné à des bouts de gravats et de plafond qui partent dans tous les sens. Cheschire bondissait d'une paroi à l'autre, comme pour le narguer. Mais, il est vrai que rester passif trop longtemps n'était plus trop amusant et il savait qu'il devait faire vite. Il continua son petit jeu, il ajouta cependant une variante : à chaque rebond, il entaillait sa proie, la rendant incapable de se mouvoir petit à petit. Chaque être a, en lui, une part de sadisme, et Cheschire la montrait en ce moment. Au bout d'un certain moment, ou d'un moment incertain, le monstre restait debout, sur place, puis s'agenouilla, ses muscles ne devaient plus tenir sa masse. Le Chat réapparut d'un mouvement silencieux face à lui, malgré le malin plaisir qu'il semblait prendre, son expression indifférente n'était pas partie. Il lui détrôna la tête d'un puissant coup. C'était la signature de Cheschire.

À cet instant, Oz entendit un "click" dans son dos : la porte s'était ouverte. Le jeune mage se redressa tout en regardant son invocation, aucune parole n'était nécessaire pour lui dire qu'il avait mis trop de temps. Le blondinet tourna de nouveau la poignée et poussa, débloquant ainsi le passage. Cheschire disparut dès que le mage eut passé le seuil de la dernière pièce. Le jeune Bezarius avançait lentement pour finalement atteindre son objectif. Hanna était soulagée de le voir arriver, elle l'appelait autant qu'elle pouvait " Jeune maître Oz ! Jeune maître Oz !" Elle le répétait tant que sa voix ne s'éteignait pas. Ce jeune maître se hâtait comme il le pouvait pour sauver la belle aux cheveux d'argent...

... Mais un bruit retentit dans la salle...

Un son qui stoppa l'image présente dans le temps, Oz relevait chaque détail de la scène comme si sa fin était propice : Hanna avait perdu son enthousiasme et son sourire, les yeux grands ouverts, elle redoutait la mort, elle était crispée, sa beauté naturelle avait disparu, remplacé une grimace d'effroi. Son teint était pale. Elle se débattait, tirait sur ses liens, l'instinct de survie était plus fort que tout. Oz, quant à lui, tendait le bras, comme si en faisant ça, il l'atteindrait plus vite et empêcherait sa mort. Il était lui aussi crispé, il avait perdu son calme puisqu'il allait repartir de zéro pour sa quête de vengeance. Et ce bruit, comme si les carillons de la tour des enfers résonnaient en accéléré, ce son qui ricochait contre les parois de la pièce et continuait dans tout le dédale en un écho insupportable. Cette fraction de seconde était interminable.

Puis le temps s'écoula à nouveau et l'explosion eut lieu, projetant hors de la pièce Oz, qui se cogna contre le cadavre décapité de la bête abattue précédemment. Il voyait dans ses derniers instants de conscience une pluie de chairs et de sang s'abattre froidement contre le plancher de la pièce, laissant virevolter quelques lambeaux des vêtements de soubrettes d'Hanna... Puis il entendit le vieillard ordonner à l'un de ses sous-fifres de le jeter sur le bord d'une route de campagne alors que ses paupières se fermaient.